Demande de copie et de permis de communiquer : c’est par cette double démarche que débute quasi-invariablement la mission de l’avocat chargé de la défense d’une personne mise en examen et placée en détention provisoire.

Essentielle, cette demande est le plus souvent formée dans l’urgence. Il est en effet attendu de l’avocat qu’il soit en mesure d’apporter rapidement des réponses à son client, détenu provisoirement dans l’attente de son jugement.

Surtout, dans l’hypothèse où la décision de placement en détention provisoire a été contestée par la voie de l’appel, le temps presse : l’audience devant la Chambre de l’instruction aura lieu dans un délai qui ne peut excéder 15 jours et aucune défense sérieuse n’est possible sans accès au dossier d’une part et sans la faculté de s’entretenir avec son client d’autre part.

L’urgence est plus grande encore dans le cas où un débat différé a été demandé par la défense : la question du placement en détention est alors abordée dans un délai de 4 jours ouvrables, pendant lequel la personne est incarcérée provisoirement.

L’avocat adresse alors le plus souvent un mail au cabinet du juge d’instruction en charge du dossier afin que le greffier lui adresse les éléments nécessaires : cette démarche est d’autant plus simple que les adresses mail répondent à un format similaire dans tous les tribunaux de France et qu’elles figurent généralement sur l’en-tête des convocations.

Les articles 115, D.32-1-2 et R.57-6-5 du code de procédure pénale semblent confirmer cette apparente simplicité puisqu’ils n’imposent aucun formalisme pour la demande de permis de communiquer et soulignent que ce permis doit être adressé à l’avocat dans les meilleurs délais, et même « au plus tard le premier jour ouvrable suivant la réception de la demande » lorsqu’un interrogatoire ou un débat contradictoire est prévu.

Les modalités concrètes de délivrance du permis de communiquer sont pourtant infiniment plus complexes tant la jurisprudence de la Chambre criminelle a progressivement resserré le formalisme applicable à cette demande.

C’est que cette question donne lieu à un contentieux désormais bien connu des juridictions, dans la mesure où l’absence de délivrance d’un permis de communiquer à l’avocat dans le court délai entre l’incarcération provisoire et le débat différé, dès lors qu'elle empêche une défense effective, peut donner lieu à la nullité du débat contradictoire et in fine à la remise en liberté de l’intéressé.

La Cour de cassation a d’abord, dans une jurisprudence désormais bien établie, estimé que la demande de permis devait être transmise dans un mail comportant cette seule demande, mentionnée clairement dans l’objet du mail (par ex. Crim. 19 décembre 2023, n°23-85.642).

La Chambre criminelle va plus loin puisqu’elle juge désormais qu’une demande adressée par mail à l’adresse structurelle du cabinet d’instruction est irrecevable, imposant ainsi de recourir à la messagerie « RPVA » et à elle seule (Crim. 24 septembre 2024 n°24-83.872 ; Crim. 29 novembre 2022 n°22-85.388).

Cette solution peut apparaître surprenante dans la mesure où les textes relatifs aux modalités de délivrance du permis de communiquer ne prévoient aucunement ce formalisme, encore moins à peine d’irrecevabilité.

Surtout, les deux arrêts rendus par la Chambre criminelle visent l’article D.591 du code de procédure pénale, qui énumère les demandes pouvant être formées via la messagerie « RPVA » et qui prévoit que « toute demande transmise à une adresse électronique ne figurant pas sur la liste des adresses transmise par le ministère de la justice en application de la convention prévue au premier alinéa est irrecevable ».

Force est de constater que la demande de permis ne figure pas parmi les demandes énumérées par ce texte.

Il s’agit donc d’un texte général, applicable à d’autres hypothèses, dont on pourrait envisager qu’il cède devant les textes spéciaux applicables à la demande de permis de communiquer, ce d'autant qu'aucune mention relative à une quelconque irrecevabilité n'a été prévue à l'occasion de l'introduction de l'article D.32-1-2 alors même que l'usage de la messagerie « RPVA » était déjà obligatoire pour d'autres demandes.

Il convient également de souligner que cette irrecevabilité n’a, à notre connaissance, été appliquée par la Chambre criminelle aux demandes de permis de communiquer que dans les deux arrêts visés ci-dessus, respectivement en novembre 2022 et septembre 2024, alors que l’article D.591 prévoit cette irrecevabilité générale depuis le 12 mai 2021 et que ce contentieux est, comme on l'a vu, particulièrement fourni.

Dans ces deux arrêts, ce motif d’irrecevabilité a opportunément permis de rejeter les moyens tendant à l'annulation d'un débat alors même que le permis de communiquer n'avait pas été délivré à l'avocat dans le délai prévu par le texte, faisant ainsi obstacle à l'exercice des droits de la défense.

La Chambre criminelle s’est par ailleurs abstenue de se prononcer sur l’articulation entre les différents textes applicables, malgré l'invitation qui lui était faite en ce sens par un demandeur au pourvoi (Crim. 31 mars 2020, n°20-80.319).

Il en reste que cette condition de recevabilité est désormais applicable aux demandes de permis de communiquer, imposant aux avocats de renoncer aux demandes formées par mail “simple” et de se conformer à un formalisme qui pourrait sembler à la fois mouvant et excessif.